"(...) Elle a plus envie de parler de cette histoire mais elle en parle quand même, tant son image la hante. La rencontre sur fond de samedi soir sur la terre, le bar, la fumée qui fait écran à leurs regards qui se cherchent, deux personnes qui se reconnaissent sans qu'il y ait besoin des présentations d'usage, l'implicite qui se noue dans leur conversation banale. Elle admet aisément le cliché, d'autant qu'il lui plaît, "ben ouais, j'suis romantico-mystique, et alors?". Quand il a dit, "de toute façon, le paradis c'est juste un tas de Mormonds qui jouent au scrabble, moi j'préfère l'enfer, pour pas mourir d'ennui", elle a compris.
Et puis, le reste, quand enfin illes se voient nus, touchent leur odeur d'un peu plus près, le goût de l'autre au bout des doigts. C'est là qu'elle a su. La tension électrique et le relâchement épidermique, voilà pourquoi. "On dira bien ce qu'on voudra, l'amour, le construit et le blabla, n'empêche, je l'ai pas inventée cette sensation là, le plaisir qui atomise, quand tu comprends enfin ce que ça veut dire "s'envoyer en l'air", quand c'est tellement bon que tu voudrais jamais que ça s'arrête, jouir toute la journée, se baiser, baiser et baiser encore, se laisser glisser... enfin... tu vois, quoi...".
Ca avait duré trois mois.
La suite de l'histoire ? Un banal petit meurtre entre amants, ses sous-entendus à elle et ses quarts de mots à lui, les nuits où illes ne se sont pas compris, celles où il lui a tourné le dos et celles où elle n'a pas dormi. Un soir, il n'est pas passé. Elle l'a attendu en s'en voulant de le faire. Il a réapparu au matin, avec un de ces silences qui ne disent rien qui vaille. Elle me passe les détails de la fin, "c'était glauque, j'vais pas t'faire un dessin".
Depuis, elle meurt une nuit sur deux, avant de s'endormir. Elle va partir, c'est presque déjà fait. Son père est prévenu. Elle va partir parce que sinon, elle n'en reviendra pas. (...)"

in copié-collé, juin 05.