"(...) Remettre volontairement en question le statut audio-visuel ordinaire, celui de la relation duelle dominant/dominé.

Tendre à réduire jusqu'au niveau zéro la marge entre celui qui filme et celui, "manipulé", qui est son objet, au-delà, renverser ce positionnement, afin que le filmé puisse lui-même, à son tour, devenir sujet filmant ayant la liberté d'imaginer le choix de ce qu'il filme, du comment il filme, du pourquoi il filme, et afin qu'il s'autorise aussi à s'interroger sur lui-même, regardant et filmant, travaillant avec un outil collectif, c'est à dire pouvant être celui de chacun.
Il s'agit bien de transgresser délibérément une règle jusque là tacite : d'un côté, le pouvoir de filmer et de l'autre l'assujettissement à ce pouvoir sans qu'une véritable commune ait sous-tendu ce rapport, sans qu'une prise de conscience du filmé lui ait permis de ne plus seulement être mis en représentation, sans que son image ne lui soit volée pour n'être qu'ajoutée à sa parole volée.
Rendre la pleine parole à l'image de celui qu'elle montre et donner à prendre et à comprendre l'image de celui qui, à l'image parle.
(...)
Pouvoir révéler et faire se différencier l'acte du pouvoir de filmer avec l'ethique de pouvoir filmer en toute conscience.

Dans la pratique, proposer à des individus, hommes, femmes, les moyens théoriques, techniques et matériels de libérer leur imaginaire, laisser à des groupes ou à des individus l'initiative de se raconter eux-mêmes, d'évoquer leur passé, leurs conflits, leurs échecs, leurs espoirs, leur avenir, tout ce qui fait le travail de la mort dans ce qui est l'écoulement de la vie en train de se construire, tant il est vrai que l'image se décompose, se détériore, se renouvelle et renaît, opposée à l'image, figée dans la fiction, et qui tente paradoxalement de s'imposer comme incontestable et définitive."