ALEA JACTA ES.

Voilà, ça y est, enfin, le round n°1 du concours de la fémis est bel et bien derrière.

"Mille connards sur la ligne de départ", mille connards dont je faisais partie, un millier de personnes à jeter les dés, à tenter leur chance d'être, peut-être, en bout de course (et elle est encore longue et parsemée d'embûches), parmi les "heureux privilégiés" à intégrer cette école... 30 places sur le podium... Le système élitiste des grandes écoles "à la française" a de quoi faire frémir, on est d'accord, (pourquoi certain-e-s et pas tou-te-s, on en revient toujours là), décider d'en jouer le jeu pose évidemment question... Je me la suis longtemps posée, elle a failli me faire reculer plus d'une fois, mais au final, renoncer aurait paradoxalement été, à mes yeux, jouer le jeu de l'absurdité de ce système. Oui, renoncer aurait été considérer cette école comme une fin en soi, alors qu'elle n'est qu'un moyen, parmi tous les autres de tracer mon chemin. Aucun doute possible vis-à-vis de cela. J'ai donc jouer le jeu jusqu'au bout, et avec plaisir en plus, il aurait été absurde de ne le faire qu'à moitié.

Vide post-épreuve, après, "post-natal" me dira C. Oui, c'est un peu ça, l'idée - impression de réalisation, accouchement dans la douleur et après, plouf, plus rien... bref, un brin de vertige avec la pression qui retombe, alors j'ai rien fait ou alors des choses futiles.

Quelques jours à Dijon, un week-end de Pâques dans un appartement familial déserté, ni cloches, ni chocolat, juste la torpeur de la ville, sa désertitude, son imbue bourgeoisie, ses rues decorum. Outre de très cher-e-s ami-e-s, du silence et de l'ennui, tout ce dont j'avais envie. Un vrai week-end "check point", un peu de "d'où je viens" pour d'autres "où je vais", du retour, sur soi, vers le centre, en profondeur, jusqu'aux racines, radicules radicales, un passage dans le noeud, au creux. Les petits escaliers, derrière la place de la Libération, où on fumait des cigarettes en se disant "je t'aime", le café du palais, les pêches à l'eau avec des pailles, toutes mes premières fois, cette cour intérieure, là où il s'est frappé la tête contre le mur parce j'allais le quitter, quand je l'ai enfin fait, plus tard, quand je suis revenue de loin, Charles Dumont, les plans sur la comète, le st nico et la mort au bout du bar, tous ces regards que je ne veux plus croiser, tout ce que j'ai fuis et que je peine à retrouver... Un week-end à arpenter mes souvenirs donc, noter les changements, relever les écarts, désirer la suite. Revenir pour mieux repartir. Ca, c'est fait.

DU TRANSFERT, DES ÉCHOS ET DES SALLES PRECIPITAMMENT QUITTÉES

Suite du bloc-notes.

A nouveau un film de Robert Kramer jeudi dernier. Une occasion de découvrir le Barbizon, rue de Tolbiac, espace, salle de ciné et de rencontres-débats-événements squattée et autogérée par l'association "les Ami-e-s de Tolbiac"... Ici, c'est le ciné "comme à la maison", prix libre à l'entrée, pas d'heure fixe pour le début, des vieux fauteuils dans un vieux hangar et quelqu'un qui se dévoue pour éteindre la lumière sous la scène avant de commencer. L'écran est peut-être un peu crade, qu'importe au fond, on se passe très bien de l'ambiance pop-corn des "multiplex" pour faire vivre le ciné.

Kramer, donc, son dernier film, Cités de la plaine, 1999-2000. Il est mort après avoir fini les prises de vue, le montage image et son a été réalisé selon ses dernières instructions. Le résumé dit : "Ben, homme d'une cinquantaine d'année, d'origine maghrébine, aveugle, se promène sur les marchés d'une métropole du nord de la France. Plus loin, dans un autre quartier, il y a une jeune femme, sociologue ou urbaniste, qui lit des rapports sur la ville et travaille dans des bureaux fonctionnels". Entre les deux, l'histoire d'une vie, en trois mouvements, trois âges au fil du défilement. Et puis, et puis, des images incroyables, chaos urbain, géométrie glaciale, strict découpage de l'espace, étouffement du cadre... de la lumière parfois, qui miroite sur une eau nocturne, brève respiration, relâchement avant le retour de la tension... et la pulsion de vie, sous les écailles, qui frémit, interloque, provoque, réjouit.
Poétique tout autant que politique, car l'un ne va sûrement pas sans l'autre.
Kramer nous laisse encore libres, désarmé-e-s et seul-e-s face à son film, à chacun d'y trouver son écho.
J'ai reçu certaines scènes comme des claques dans la gueule, sans avoir rien vu venir, même pas besoin de cela pour que me poursuivent mes fantômes. Si seulement je pouvais lâcher prise, oublier à jamais le ravage de cerveau que L. m'a laissé comme cadeau empoisonné... Bref, des scènes de couple, donc, d'une violence incroyable à mes yeux. Pas une violence physique, pas besoin de cela pour faire mal, mais bien l'image de cette violence morale, ces "je t'aime donc je te blesse, j'te blesse pour que tu restes"... Des scènes de cette insanité qui fait perdre pieds, cette perversité qui fait basculer dans la négation de l'autre, l'autre que l'on crie pourtant aimer... "Je t'aime, si tu me quittes je perds tout... tu pars quand même ?... ben alors t'es une connasse, et si tu pars, j'te tabasse...".

Voilà pour le leitmotiv. Toujours le même.

Le transfert cinématographique fonctionne et je hais cet homme à l'écran, cet homme qui croit que tout lui ai dû parce qu'il croit que c'est comme ça qu'on aime. Je le hais physiquement, l'envie de sa tête contre le pavé me reprend. Et puis, bam, Kramer me désarçonne et brouille mes vaines armes contre cet amer souvenir. L'homme devient victime et sa victime prend plaisir de le voir à terre, lui assène un dernier coup. Rien d'évident ou d'unilatéral, jamais, c'est cela que j'avais failli oublier.

Je suis ressortie tendue et à côté de mes pompes avec une seule envie, marcher, relancer la déambulation pour que s'arrête le tourne-en-rond de ma tête.

Autre film, autre endroit, autre ambiance, bien moins réjouissante cette fois. MK2 Odéon, 6€, 15 minutes de pubs et beaucoup de déception, somme toute prévisible. Je ne connaissais pas Dupontel, maintenant, je sais. Le seul commentaire qui me vienne après son Enfermé dehors est que ce film est nul à chier des briques par paquets de 12... on m'excusera la vulgarité qui n'explique rien, mais les mots me manquent, comme m'a manqué la patience de rester jusqu'à la fin.
"Too much" résume en deux mots ce que j'en ai pensé. Trop d'effets spéciaux, entre Taxi et Genet, des mouvements de caméra qui se veulent dramatiques, mais qui sont juste d'une lourdeur incroyable, beaucoup d'injustifié, la vie comme un clip MTV, rien d'original dans la forme en tout cas... je peux sûrement me "reprocher" une mauvaise humeur latente ce soir-là, ou une certaine difficulté à me laisser aller au "divertissement", mais je crois en fait que je déteste de plus en plus qu'on me dise quand et où je dois rire, quand et où je dois frémir, verser ma larme, compatir ou réagir... Et encore faudrait-il que tout cela soit drôle, critique ou un brin cynique, mais tous ces "efforts" pour raconter une histoire qui n'en est pas une, tout au moins un mauvais conte pour grandes personnes endormies par TF1 et VSD, servie par une morale populiste, qui prend les "pauvres" pour des débiles mentaux, les patrons pour des gentils en puissance et les flics pour "des gens qui aident bordel et puis dégager de là où j'vous envoie au dépôt..."... je me permet de douter...

La semaine dernière, 9m2 pour 2 de Joseph Cesarini et Jimmy Glasberg. O., croisé à Dijon m'avait fait part de ses réserves, "pas assez critique sur le monde carcéral", selon lui. Ben, je dois avouer que je ne suis pas tout à fait d'accord avec cela, parce que justement, je crois que ce film est la preuve que la critique se passe parfois de mots et de discours, quand comme ici, elle est contenue, toute entière, dans la monstration, dans les images et leur défilement. D'abord, l'expérience de ce film, donner la caméra aux détenus, les investir des moyens de l'écriture, leur autoriser un retour sur eux-mêmes tout autant qu'une projection vers ce dehors, dont on les prive.
Des séquences en particulier, qui laissent tout le temps à cette écriture de l'enfermement, ce "filmé à une main" des gestes du quotidien, les seuls qui demeurent au milieu de l'isolement, fragiles repères d'une humanité qui s'éloigne quand on la prive de la liberté de mouvement. Des séquences qui donnent la mesure de la réclusion, de l'enfermement dans une subjectivité qui n'a d'autre miroir qu'elle-même, en rond. Une caméra comme un improbable autre, un autre sans retour et sans écho, auquel on parle pourtant.

ALEA JACTA ES, VOL. 2

Aujourd'hui, concours des beaux-arts de Cergy-Pontoise. Pour voir et pour tenter, car comme m'a dit Tib hier soir, devant un whisky au combien salvateur, il faut prendre le vieux dicton à revers et ce serait justement se tromper que de ne rien faire. Mais pas d'autre prétention que cela, un jet de dés, quitte ou double, car j'aime toujours jouer. Pour le bilan, beaucoup moins stressant que la fémis, d'abord parce que nous étions en petit comité, à peine une cinquantaine, presque familial donc... Un brin impressionnée en arrivant, de voir tous ces gens, avec leurs grands cartons à dessins, leurs sacs-porte-cartons-à-dessins, tout ce volume... Mais je ne me suis pas laissée douter trop longtemps, les mains dans les poches et les carnets dans le sac à dos, même pas peur car rien à perdre.
Au menu, épreuve rédactionnelle, "l'art c'est ce qui rend la vie plus intéressante que l'art", selon les mots de Robert Filliou, vous avez une heure et une toute petite page. J'ai tenté un renversement final des termes, pour le beau geste, "la vie c'est ce qui rend l'art plus intéressant que la vie", un peu pessimiste peut-être, mais ni plus ni moins qu'humain... Pour la suite, les fatidiques 15 minutes de "présentation" devant le jury. Et bam, "au suivant". 15 minutes qui en paraissent à peine 5, les questions qui fusent et au travers desquelles il faut surfer pour maintenir le cap que l'on s'est vaguement fixé, placer les trois bafouilles que l'on a préparées... Pas mal de bienveillance, je m'attendais à de plus âpres déboulonnages. Je les aurais même fait rire sur la fin, ce qui est possiblement un bon point... euh...!

JE VIVAIS AVANT TOI, JE VIVRAI APRÈS LUI.

Ma sist à la fête foraine... entre montagnes russes et auto-tamponneuses. Crack ! J'oscille, j'y crois, n'y crois plus, veux y croire encore, j'arrête de douter, re-doute, décide de ne plus, m'y reprend. La légèreté un jour sur deux, c'est déjà ça, mais je commence à désirer autre chose que des pointillés - même si oui, entre ce que je désire, pense et fais, il y a encore des désaccords stridents.

J'ai envie, mais je n'y arrive pas encore, certaines situations ravivent les angoisses, acculée dans mes retranchements, voilà le retour des spectres. Le constat s'impose, la cicatrice initiale et malheureusement fondatrice est toujours là. Bien à sa place. Elle me fait sursauter pour rien, me braquer sur un souffle, ressortir les chars d'assaut pour un mot, un geste, une posture... Pas simple de faire confiance, et c'est surtout en moi que j'en manque. La cicatrice crée la contradiction, "aime-moi mais ne t'attache pas... viens mais ne restes pas... ne me demande rien mais compte sur moi... ". Il est bien là, le point névralgique, le noeud douloureux, celui qui a compliqué et complique encore, bien malgré moi mais jusqu'à l'extrême, mes histoires d'amour, celui qui me fait trébucher dès que me prend l'envie de gambader. Je croyais en avoir fini, mais non, vlà que ça recommence... je sollicite, je vais chercher, rebrousse chemin dès que le jeune homme fait mine de trop s'approcher, voudrais que ce soit simple alors que je suis compliquée... BORDEL !!

Mais quand même, après tout ce temps, j'ai envie, à nouveau, d'être à deux, enfin, plutôt à trois, ma vie, la sienne, et celle, hybride, que l'on pourrait se tracer ensemble, un bout de chemin jusqu'à un autre carrefour. Ne pas précipiter la fin de l'histoire car ce serait succomber à la facilité de ne rien vivre par peur de le faire, et puis je suis curieuse de ce que l'on pourrait écrire à quatre mains. Bam, j'me projette, déjà trop loin.