ON N'Y DANSE PAS

Week-end "en" Avignon, pour le dire correctement.
Grand-père aurait insisté.
Il est mort en janvier.

Voyage éclair, encore une fois, tout juste le temps d'effleurer l'herbe à défaut de vraiment la toucher, heureusement, y avait cette odeur de sud qui apaise, qui tranquillise, qui fait dire "ça va aller". Et puis, l'essentiel du voyage, le défilement, derrière la vitre, l'âme au vent, les pensées qui glissent, en vrac, qui filent à mesure que l'on avance en latitude et en silence.

Deux jours avec les "deux premiers hommes de ma vie", père et frère, leur mutisme partagé, et mes envies à moi, de parler. Bon, d'accord, je me tais. ;)

Deux jours à remonter l'arbre généalogique avec grand-mère, à évoquer Bape, Tatine et Mémé, cette belle famille qui l'a adoptée, tous ces gens sur lesquels je ne mets pas de visage et qui pourtant me semblent si familiers. La rencontre avec Claude, dans les Pyrénées, comment elle l'a laissé entrer dans sa chambre, la première nuit, comment ensuite, illes ne se sont plus quittés.
Et puis pour la première fois, les dessins de Nicolas, ce fils parti trop tôt, "parce qu'à l'époque, la schizophrénie, on ne comprenait pas". Les tous premiers, ces "crevés de voitures", la précision du trait, le rouge "pop" des carrosseries. Et puis les brouillons, les esquisses, les essais, tous ces visages de femmes, entre arrondi et aplat...

"BLAGUE AUX FAMILLES..."

Bptor au repas : "moi, j'aurai 11 enfants, parce que la famille, quand même, c'est important".

Notes pour plus tard : la famille, pourquoi, comment ?

Certes, "famille", ça rime avec "travail" et "patrie", ça rime avec Vichy, première cellule de l'ordre social, dernier bastion de l'économie, premier lieu des névroses, premier espace de non-dit, ce placard que l'on n'ose ouvrir de peur d'en voir surgir des fantômes que l'on ne saurait affronter. Toutes les familles ont leurs secrets bien gardés.

Dans l'idéal, la famille devrait être un lieu où l'on peut se reposer, où l'on n'a rien à prouver, où l'on peut juste être "en l'état", sans compte à rendre ou à donner. C'est rarement le cas dans les faits et la famille est souvent ce miroir déformant dans lequel il est difficile de se regarder. Exemple concret. Grand-mère, dans la cuisine, en voyant le polo gris que je viens d'acheter, se désole : "c'est pas très féminin quand même... mais ça va revenir"... <<Mais qu'est-ce qui doit revenir, au juste ? Doit-on réellement s'habiller de jupette et de fleurette pour se "être une fille" ? Plus ça va, plus je me permet de reconduire le doute, mais là n'est pas mon propos.>>
Difficile de s'y regarder peut-être parce qu'elle nous renvoie toutes les choses dont on ne peut se départir, ces infimes traits qui sont difficiles (impossibles?) à changer - un grand nez, de grands pieds, une mauvaise foi, une susceptibilité... - toutes ces choses qu'il faudrait peut-être simplement accepter pour mieux les dépasser. Probablement aussi parce qu'elle nous ramène à notre humaine condition, de la naissance à la mort, elle nous inscrit profondément dans ce mouvement, celui-là même que l'on ne peut stopper, malgré toute notre volonté, toutes nos fuites en avant, celui qui pousse à faire des enfants, à transmettre avant de disparaître.

Pour ma part, je ne sais pas si c'est l'âge, un quart de siècle, déjà consommé, celui qu'avait ma mère quand je suis née, si c'est la mort de grand-père ou la naissance d'Ali, mais cette année, j'ai senti que je renouais, que soudain, à travers elle, "la famille", j'avais besoin de savoir d'où je venais, comment je me reliais à cette chose qui me dépasse, au passé. Alors, dans une certaine mesure, je rejoins Bptor pour dire, que oui, la famille, c'est important. Car qu'elles soient filiales ou affinitaires, les familles créent des liens qui font que nous ne sommes pas juste des individu-e-s déconnectés. Qui font que l'on a des personnes sur qui compter.

Dire l'importance de quand même couper le cordon serait enfoncer une porte ouverte. Parce qu'elles soient filiales ou affinitaires, les familles sont parfois enfermantes (le placard), culpabilisantes (le miroir), voire castratrices (de pénis ou de clitoris, du pareil au même). Bref, une question d'équilibre, certes, mais là encore, une porte ouverte.

FEMMES À LUNETTES...

Cet après-midi, rendez-vous pour une consultation "pré-op" à la clinique des Buttes Chaumont. Suivant une de mes résolutions de l'été dernier, voilà le premier pas fait dans le monde fascinant de la "chirurgie réfractive de la myopie". Et oui, j'ai décidé de quitter le monde des "tôpes" et ce, sans aucun regret. Bientôt j'y verrai aussi clair que dans de l'eau de roche. Opération "luxe", de confort, de coquetterie, sans aucun doute, assez chère en plus, mais bon, qui n'a jamais eu à porter de lunettes et/ou lentilles ne peut vraiment juger de l'inconvénient, certes très relatif, que c'est d'être "bigleuse" au quotidien. Mais bon, c'est comme un investissement, des yeux tous neufs, à bientôt 26 ans, ça laisse tout le temps de les amortir !

Ce fut long, trois heures à attendre sans compter les examens d'usage, des points rouges à fixer, des lumières en veux-tu en voilà, "surtout ne clignez pas", des petits jets d'air sur les mirettes "qui peuvent provoquer en vous un léger recul de la tête", des gouttes qui piquent, qui tendent et dilatent, et à la fin de tout cela, "si vous voyez encore, vous voyez quoi ? ".

On dit souvent que les yeux sont le reflet de l'âme. C'est plutôt celui de mon "profil physiologico-génétique" que le docteur G. a pu déceler en me scrutant le fond de l'oeil (et là surgit le spectre de la biométrie). C'est là qu'il a pu "lire" que j'étais une personne "à terrain atopique" (cad "allergique") et qui aurait une forte tendance "à se frotter les yeux", deux états de fait que je ne peux que confirmer. J'ai aussi appris que j'avais "l'oeil breton" (da bep lech'! aucune coïncidence, jamais!) ou "normand", en tout cas "celte", ce qui dans l'absolu me fait une belle jambe, quoique... un dicton d'ophtalmo dit en substance "oeil breton, fais attention, oeil normand, sois prudent...". Mais a priori, point de contre-indications à une opération. On me fera la traditionnelle, la old school, et non pas celle dite "du lasik", ce qui signifie que la couche supérieure de mon oeil est trop fine pour qu'on la charcute au laser et qu'on y découpe un petit volet permettant d'atteindre la cornée. Alors on y parviendra franco, directement, sans se faire une porte d'entrée... cette méthode est paraît-il plus douloureuse, mais comme on dit, on ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs.

Depuis j'ai les pupilles aussi larges que la cornée, dilatées à l'extrême comme après la prise de je ne sais quels produits psychotropes. Avec ou sans lunettes, de près ou de loin, y a pas photo, j'y vois plus rien !