#9. Sans importance.
By shiva on Wednesday, May 17 2006, 22:55 - traces - Permalink
De nombril et de cinéma, encore une fois.
L'ERREUR COMMUNE DÉCOULE DE LA PROJECTION
C'est pas moi qui l'ai dit, c'est Jean-Luc.
Godard.
Evidemment.
Journée en sa compagnie, lundi, d'abord à la cinémathèque pour Deux ou trois choses que je sais d'elle, puis à Beaubourg, pour l'expo, Voyage(s) en utopie. Elle aurait pu s'intituler GOD/ART cette expo, tiens, et cela aurait été mérité. Outre le tintamarre médiatique, le fameux "commissaire d'exposition" et les frasques de l'autre monsieur, y a de quoi disserter sur l'installation. Trois salles, mathématiquement liées, "une équation simple comme X+3=1", trois salles, "avoir été" - le fantôme de "ce que cela aurait pu être", l'exposition avortée, la véritable clé - "avoir" - jungle d'images et de sons, hier, touffue et chaotique, à l'image de l'illusion cinématographique ? - et enfin "être" - déconnectée, qui du train ne voit pas l'arrivée, remplie de la platitude des images, de celle des rêves préfabriqués, du monde télévisé, croulant sous le vide, le poids du "plus jamais ça"...
Faut y aller, pour se faire son idée. Certains taxeront d'intellectualisme mal placé... mais peut-être n'y a-t-il rien à comprendre et tout à trouver.
Au cinéma des cinéastes dimanche, un des films primés au festival Visions du réel, de Nyons, La vie est une goutte suspendue, de Hormuz Key. Titre annonciateur. Sans peine, je me suis laissée embarquée. Un film-portrait, celui de Christian de Rabaudy, les trois dernières années de sa vie, l'histoire de la relation, en perpétuelle tension, avec le réalisateur-ami. Être profondément solitaire, assurément incompris, délaissé, dénigré, car dérangeant, en marge, "débordé d'intelligence", véritablement divin dans la manière dont il avait de comprendre et dépasser. Mais ce serait sûrement le dénaturer que de chercher à le qualifier.
« Le réalisateur, c’est celui qui s’empare de l’acteur en face de lui et en fait un être complètement dépendant de lui » - Un film qui parle donc aussi de cinéma, subtile mise en abîme, de la relation (interactivement perverse?) qui se crée entre le réalisateur et celui qu'il filme, le double-jeu du "ne me filme pas mais filme moi quand même", de ce voyeurisme aimant, presque amoureux, qui ne quitte jamais des yeux.
WE DRANK VINE ANYWAY OR MAYBE BECAUSE OF
Ratures sur un piètre printemps. Reconduction de chassés-croisés. Flux, reflux, ressac. L'oscilloscope remplace le balancier. Se parler, s'entendre, se toucher, ça devrait être simple, ça ne l'est pas encore tout à fait.
"Bouée de sauvetage vs. bitte d'amarrage", on cherche à ne plus de errer, comme l'on craint de s'attacher.
Le passé revient et j'pars pour le week-end. Pressant besoin de m'absenter. "Disculpame pero me voy", mais c'est un minimum.
Comments
Votre vie est aussi une goutte suspendue !
Gigantesque, impressionnant, délicat, gais, triste, généreux, salé, sucré, acide, électricité, iranien, français, inqualifiable, innommable un tout indivisible avec une énormité infaillible, un être vivant mortellement immortel, un film de jamais vue, aussi parfait qu'une goutte et aussi imparfait que son réalisateur, le descendant d'un oiseau. Cest lui qui nous a raconté ! Et bravo et merci. Jai vu la vie est une goutte suspendue le 13 mars au Centre Pompidou. Quel coup de caméra ! Véronique P.
Comment peut-on voir ce film ? La vie est une goutte suspendue est un beau titre!
Laurence
pour l'instant dans divers festivals : le prochain, c'est La Rochelle en octobre
Une amie d'HK....
voici les nouvelles de "LA VIE EST UNE GOUTTE SUSPENDUE" le film de Hormuz Kéy qui sont prises du site du CINEMA DU REEL de Paris:
Le film de Hormuz Kéy "La Vie est une goutte suspendue", sélection française Cinéma du Réel 2006, a remporté le Grand Prix du 47ème Festival dei Popoli, de Florence, Italie, 1er - 7 décembre 2006, et le 1er prix aux Escales Documentaires de La Rochelle, France, 7 - 12 novembre 2006.
Il a reçu le prix du public de la ville de Nyon au Festival Visions du Réel, Suisse, 24 - 30 avril 2006.
Il a également été sélectionné aux Rencontres Internationales du Documentaire de Montréal, Québec, Canada, 9 - 19 novembre 2006, et au Festival Docudays de Beyrouth, Liban, 3 - 11 novembre 2006.
voisi l'adresse:
www.cinereel.org/article9...
FRED de Montréal
Cest quoi ce film?
aline
c' est un homme, philosophe reconnu, dont l' état sanitaire se dégrade par un diabéte avancé. Cet homme fait face successivement aux errements des derniers mois de la vie, de l'absence d'amour, de solitude envahissante, voulu ou non. Le corps est sur-représenté et c' est un arbre effeuillé qui s'engage dans l'ultime voie. C'est avant tout un document qui est ultra-centré sur un homme, peu être trop.
Voilà jai trouvé cet article sur le site du cinéma du réel et puisque je vie avec le souvenir de ce film je le dédie à Aline et Spacer.
Véronique P
Le journal du réel no 7 vendredi 17 mars 2006 Paris
un article de Jeanne Delafosse
LA VIE EST UNE GOUTTE SUSPENDUE
HORMUZ KÉY
France, 2006, 83
Philosophe volubile portant moustaches, bonnet en laine, et baskets pointure 48, se définissant principalement comme diabétique ; clown triste ne se séparant jamais de son réveille-matin ; lutin chétif dévorant du boudin, un couteau de boucher à la main ; funambule pissant sur un plan de cerfeuil ; amoureux célibataire célébrant les femmes artistes en passant le balais ; infirmier impudique pratiquant des piqûres d'insuline dans sa cuisine sur fond d'opéra ; fou ordinaire dénonçant le « problème folie noire » (café en promotion au supermarché du coin) ; borgne clairvoyant à minerve s'interrogeant sur le lien de parenté entre Flaubert et Maupassant ; solitaire délaissé par ses proches déclarant son amour à sa « famille adoptive », composée essentiellement de jeunes filles en fleurs ; prince japonais en robe de chambre fleurie se faisant couper les cheveux par une photographe dans son salon parisien rempli de livres et de tableaux Tel est Christian de Rabaudy, homme haut en couleurs, aux facettes et aux contradictions multiples, dont Hormuz Kéy a entrepris de faire le portrait.
Dans la vie, Hormuz et Christian sont amis. Comme l'explique un carton en introduction, le point de départ du film est un manuscrit que le cinéaste a confié au philosophe et dont la lecture est devenue l'objet d'un « échange filmé ». Autant le dire tout de suite, le manuscrit n'est qu'un prétexte, et le film bien plus qu'un simple portrait. Hormuz a choisi de suivre son ami dans sa vie quotidienne pour faire un film non pas « sur » mais « avec » lui. Comment faire un film avec quelqu'un ? Les documentaristes qui se sont posés la question, toute simple en apparence, savent combien la réponse est loin d'aller de soi. Cette question, La vie est une goutte suspendue, à la fois leçon de vie et leçon de cinéma, y répond de la plus belle manière.
À chaque fois qu'Hormuz rend visite à Christian, il prend sa caméra et il filme. Et lorsque Christian prend le train pour se retirer à la campagne, Hormuz le suit, la caméra à la main. Le cinéaste ne s'arrête jamais de filmer, jusqu'à provoquer l'exaspération du philosophe : « Tu m'as filmé cent fois. Tu vas pas bien. En réalité, tu es un grand obsessionnel ». La vie est une goutte suspendue met en scène la relation du cinéaste et de son modèle dans ce qu'elle a de plus complexe, donc de plus passionnant. Une relation qui s'apparente souvent à un rapport de force. Christian résiste : « Tu me fatigues », s'oppose : « Tu ne me filmes pas dans le train » , attaque : « Tu ne sais pas faire », fait sa mise en scène : « Tu vas me filmer devant la bibliothèque » ; et Hormuz accueille ses résistances avec l'intelligence du cinéaste qui sait que faire un film à deux c'est accepter avec jubilation ce jeu du chat et de la souris. Un jeu qui va parfois jusqu'à inverser les rôles : « Hormuz ma muse ! » s'écrie le modèle au cinéaste.
Si le pouvoir est au cur de leur rapport c'est surtout le désir qui les relie. Désir d'abord du cinéaste qui filme admirablement son modèle. Les gros plans du visage émacié de Christian, cette façon qu'a Hormuz de plonger sa caméra dans son « regard de cyclope », de guetter son sourire sans jamais être inquisiteur, et surtout l'élégance avec laquelle il filme sa silhouette décharnée marchant dans les rues de Paris, tel un Buster Keaton qui aurait
retrouvé la parole, la douceur enfin de son regard pudique qui sublime sans complaisance ni voyeurisme le corps abîmé du philosophe malade, sont autant de marques de tendresse et d'admiration.
Le désir est aussi du côté du philosophe. Christian a parfaitement saisi la puissance du cinéma, il aime l'arme qui se cache derrière l'outil-caméra, à la fois présence rassurante, miroir flatteur, mémoire en action, qui l'aide à lutter contre la solitude et la maladie et sans aucun doute aussi à défier la mort.
« Qui ne risque rien n'a rien ! » Dans la bouche de Christian au début du film, ce proverbe éculé sonne comme un mot d'ordre. La vie est une goutte suspendue est un film de funambules, un film qui ne recule devant aucun risque et qui tire sa grâce de la mise en danger mutuelle du filmeur et du filmé.
Leur projet ne tient qu'à un fil. La trame de leur histoire est fragile, et sa progression incertaine. Pas d'événement, pas de péripétie, la vie seulement avec ses hauts et ses bas. Le film se construit au jour le jour, adoptant la philosophie du malade qui ne sait pas ce que c'est que « la semaine prochaine ». Les séquences se suivent mais ne se ressemblent pas, le ton du film est aussi instable que l'humeur de son personnage principal, passant du comique au tragique, de l'allégresse au désespoir, comme dans cette séquence qui met en scène la famille de Christian. Le dialogue de sourds qui s'établit alors entre le philosophe et sa belle-soeur est drôle à pleurer tant cette grande bourgeoise qu'on croirait sortie d'une pièce de boulevard surpasse en hypocrisie et en suffisance sa propre caricature.
L'équilibre du film est surtout menacé par la mort qui risque à tout moment de rompre le fil du film en interrompant la vie de Christian. Plus le film avance, plus le philosophe faiblit, plus son corps s'amaigrit. La mort hante les plans, s'invite dans les dialogues, s'infiltre dans tous les pores du film. Mais les deux équilibristes tiennent bon. Suspendus au-dessus du vide, comme la goutte au plafond qu'évoque Christian, ils ont décidé de ne pas se laisser déstabiliser. Il ne s'agit pas d'ignorer la mort mais de l'affronter par le biais du cinéma, cette machine capable d'enregistrer la vie et par là de la retenir. Et lorsque la mort frappe, implacable, le funambule se fait magicien, convoquant le cinéma pour ressusciter les morts. Deux plans courts, sobres, nous montrent Christian plongé dans le coma sur son lit d'hôpital, puis sans vie, allongé sur un brancard. Mais Hormuz et Christian ont tenu à ce que la vie l'emporte. Le film se termine par le « mariage céleste » du philosophe dans un jardin public, dernier clin d'oeil du cinéaste adressé au clown triste, dernier hommage rendu par Hormuz à son ami Christian.
Jeanne Delafosse