PLAYED DICE AGAIN

Fémis, last round.
Voilà, de l'autre côté. Je ne regrette rien, ou peut-être tout ce que je n'ai pas dit pendant cette demie-heure qui en a paru 1/100. Il n'y avait de toute façon rien à perdre, mais tout à gagner, et j'en suis sortie avec cette anecdote que Boukhrief s'est permise, "en passant", sur Confusus et Cioran. Du "juste milieu" au "milieu juste", il n'y avait qu'un pas, qu'une mise au point, mais encore fallait-il la faire.

Car on apprend plus des coups durs que de la facilité, de la douleur que de tout bonheur passager, parce que l'amour passe quand restent les marques, illes m'ont demandé de quel voyage j'étais revenue le plus "déçue".
J'aurais pu répondre l'Inde, pour la difficulté de se translater dans cette société-là, d'assister à cette violence des corps, à la violence tout court. Et puis ces impressions de "déréalité", un peu comme quand on regarde la télé, sauf que là, point d'écran, plus de zappette, mais le réel, bien palpable, dans le même espace et dans le même temps. Tous ces gens. Alors oui, le gange, le matin, ça file le tournis.
Mais à la question posée, j'ai quand même répondu le Mexique. Parce que le tournis fut tout autre. Centrifuge, de soi à soi, le temps long de ces journées où il n'y a rien d'autre à faire qu'à penser. Tout ce gris dans tout ce vert, tout ce silence, ces absences. Cette douloureuse désillusion sur ce que je vivais à barcelone, sur cette autonomie que je croyais libératrice et qui, quelque part, m'enfermait. Sur les grands L de mes luttes, bien dérisoires parfois au regard de ce qu'on vit de ce côté-là du monde. En gros plan, le trou de ma vanité. Le retour en fut raide, sans ménagement. L'aéroport, effrayant.

Ca me donne envie de réouvrir un carnet...

HOME SWEET

Une semaine place des fêtes, déjà.

J'ai poussé un peu les affaires d'Aurel, sur l'étagère, pour y poser mes repères, quelques gommettes dans l'encadrement des portes pour pointiller l'espace, le marquer un peu. C'est ici maintenant. La vie tranquille.

Il faut taper un peu sur le néon de la salle de bain pour qu'il consente à s'allumer, j'aime bien.

Sur la porte de ma chambre, deux cartes postales annoncent ce qui sera désormais la couleur :


Et puis merde, je revendique en plus, surtout le chapeau. La barbe est socialement plus difficile à porter pour une fille, mais bon, on en a vu d'autres, donc je me réapproprie aussi cet ornement millénaire "tout à la fois ou tour à tour symbole de sagesse, de vaillance, de virilité et de séduction". (1) Je vais pas me priver, hehe! ;)

VIVE LA (F)RANCE !

Hier soir, la (f)rance a exulté. Troisième mi-temps dans le métro blindé. Appel du conducteur : "J'sais bien que vous en avez rien à foutre, mais prochain arrêt, république... ON A GAAAAGNÉ!!!!!". Un "zidane président" fuse au détour d'un couloir. Je me sens soudain un peu seule.

Pas vu le match hier soir, ne verrai pas le prochain, ni le dernier. Décidément défaitiste révolutionnaire devant l'impératif patriotique du moment, en réponse aux injonctions chiraquiennes, "l'équipe de football doit inspirer respect et soutien sans faille", je déserte.



"On" en est là, romains sur le déclin, avec les demi-dieu et héros mythiques de la vieille république, les gladiateurs dans l'arène médiatique, pour faire rêver les sans-rien, les faire taire, qu'ils avalent la pilule et réclament d'autres chaînes, leur dose de mise à mort quotidienne, en direct live sur les ondes hertziennes pour s'estimer heureux. Et il faut bien ça, du foot, du foot et de la télé, pour faire oublier ces bientôt 4 ans de règne illégitime, chirac et sa clique, 80% pour de mauvais guignols, une bonne vieille bataille sportive et couillue pour un consensus estival qui fera oublier les expulsions, les rafles, les flics partout et tout le temps, la pitoyable course au fauteuil présidentiel, la pernicieuse nappe réac' qui s'étend.

Ce matin, pas moyen d'en échapper, la place des teufs a du bleu-blanc-rouge aux joues, J'attends pour mon kilo de golden, la commerçante lance l'incontournable sujet : "quelle fête hier soir, on a gagné quand même!". La dame derrière moi réplique, assurée : "oh ben oui, on est français ou on ne l'est pas !". Rires en off.

Cynique, la (f)rance footballistique ?


(1) Article paru dans Le Monde daté du mercredi 12 octobre 2005, page 26