J'ai décidé de me remettre à écrire. Vraiment. Pas seulement jeter des mots, comme on jette des cailloux sur la route pour ne pas se perdre. Arrêter le jeu de piste, ne pas faire que laisser des traces, en pointillés. Non, écrire vraiment. Avec des mots, avec des phrases, avec du signifiant. Parce que c'est tout ce que j'ai toujours su faire, ce que j'ai toujours aimé. Alors oui, ce soir, j'ai décidé de rompre avec cette abstinence silencieuse que je me traîne, boulet au pied, depuis deux ans. C'est pas simple, j'ai peur, un peu, il est tellement plus facile de se taire et de laisser passer. Mais je ne veux plus, je ne veux plus de cette passivité, de ce pas de côté, de distance, prudent, je veux à nouveau me confronter. Me confronter à moi-même, droit dans les yeux, face au miroir, face à la page, face à l'écran, face aux autres. Se regarder en face, avec les doutes, les erreurs, les chavirements, les pas en arrière, les pas en avant. Je ne veux plus me cacher, je veux sortir de ce trou que je me suis méticuleusement creusée tout au long de ces deux années.

Qu'est-ce qui me décide, pourquoi ce soir, pourquoi maintenant ?

Peut-être d'abord la remarque de O., compagnon de route voyageur, qui de retour d'un long périple et en partance pour d'autres aventures m'a dit tout simplement : "Désolé, mais j'y comprends rien à ton blog... j'ai beau cherché, je ne vois pas, je me dis juste que c'est très personnel, peut-être un peu trop "intellectualisant"...". Je n'ai su que répondre, la remarque était juste et il est le seul à me l'avoir formuler aussi sincèrement.
Peut-être parce que de retour de cette soirée familiale, quelque chose, ou bien quelqu'un, a été soudain beaucoup trop lourd à porter, quelque chose, plus que de raison, m'a pesé. J'ai pleuré. Parce qu'il fallait bien faire glisser le cadeau empoisonné de cette soirée, le laisser s'évacuer, comme on vide un évier, et couler, couler, comme roulaient les larmes, sans retenue, dans ma rue.
Peut-être parce que je suis en train de tourner certaines pages de mon passé, après les avoir feuilleter à vide pendant tant de temps et que le besoin d'en écrire d'autres, soudain, se fait pressant.
Nouvelles pages, nouveaux chapitres, nouveaux départs, toujours en partance de moi-même, parce que shiva c'est le mouvement, c'est la danse inexorable du temps, parce que le dieu de la mort est celui de la vie, parce que sans l'un, il n'y a pas l'autre, et que pour moi, il est grand temps. Grand temps de réouvrir la porte qu'il a fermé derrière lui en partant, grand temps de ne plus le perdre, grand temps de ne plus attendre que quelque chose qui ne viendra pas, vienne, grand temps de vouloir la vie en grand.
Sûrement aussi parce que ce soir, j'ai reçu en pleine face une pièce de mon puzzle géant, une qui manquait depuis longtemps. Une pièce blanche, zébrée de noire en dedans et que d'une certaine manière, je comprend mieux le pourquoi du comment. Et tout cela me fait donc dire qu'il faut me remettre à écrire. Maintenant.

Je ne dirai pas tout dans ce blog, n'attendez pas de m'y voir "nue" - et si vous croyez m'y avoir déjà vue, vous vous trompez. Mes jardins ne regardent que moi. En tout cas, je me garderai de tout vouloir expliquer, car expliquer ne guérit pas, au contraire, expliquer fragilise parfois. L'équilibre sera dur à trouver, mais je m'y attellerai, je connais trop la fâcheuse tendance que j'ai de tout vouloir décortiquer, éplucher, effeuiller, gratter, creuser, gratter et creuser encore, pour voir plus loin, trouver l'origine, toucher le fond... mais au bout du bout, non, on n'en voit jamais la fin et à force de décoller une à une les épaisseurs, je crains de disparaître. Je ne cherche plus l'absolue transparence, je ne suis pas immaculée et ne veux l'être. Je connais des secrets et ne les dévoilerai pas. C'est de ce présupposé dont il faudra s'accommoder. L'honnêteté est une question de confiance, j'offre souvent la mienne, à tort ou à raison, qu'importe, mais il n'est besoin de tout dévoiler pour cela. Je me bornerai donc à utiliser cet espace pour ce qu'il est, celui d'une écriture personnelle qui se donne à lire, internet permet cette exhibition-là, alors pourquoi pas. Je jetterai encore des mots quand je ne saurai comment dire. Mais ce ne sera plus par défaut, seulement par goût prononcé du surgissement.

Que dire donc de cette soirée ? Sûrement, et là réside la cause des larmes, que dans cette voiture qui me faisait traverser paris, j'ai soudain eu envie de mort violente, d'accident, de tôle pliée, de renversement. Pour qu'elle se taise, pour qu'il parle, pour qu'il arrête de s'enfouir, pour être légère enfin. Heureusement pour nous tous, il n'en fut rien et ce fut daumesnil au bout du chemin. C'est cela, la famille, pas simple de vivre avec, pas facile de vivre sans. Une interminable généalogie de névroses, des placards fermés sur des secrets bien gardés, le silence qui s'impose en bout de course. C'est peut-être pour cela que dans les toilettes de ce restaurant, je me suis à nouveau promise de ne pas avoir d'enfants - même si je sais cette promesse bien fragile au regard du temps. Comment et que transmettre, voilà la plus difficile mission. Tout cela à cause du temps imparti d'une vie, ce temps qui file et nous colle aux basques, nous rattrape malgré tous les efforts qu'on y met pour l'oublier, pour s'en échapper, tout cet alcool ingéré pour ne plus y penser... on ne veut pas grandir, mais le temps presse, de toutes parts il nous accule, l'erreur serait de ne pas le voir. Et moi, j'en ai envie.