Je suis restée dormir place des fêtes, là où bientôt, je vais habiter "pour de vrai". Je me suis réveillée tôt, à cause du soleil, de mes rêves agités et de l'envie de profiter de la matinée. J'ai pas eu à aller bien loin pour le faire, 3h à la terrasse du "village des fêtes", le pmu d'en bas qui vit au rythme du quartier. Le vieux serveur a fini par m'offrir mon dernier café allongé. Après, j'ai redescendu la rue de belleville en ayant à nouveau cette impression d'être ici "chez moi". Ca fait du bien.

Bref, pendant tout ce temps ce matin, j'ai repensé à ce truc de "bien aimer" (qu'il faut entendre comme "aimer de la bonne manière" et non pas "aimer bien... les carottes, les choux, les beignets"). J'en suis venue à me dire qu'en fait, "bien aimer", c'est au final trouver en soi la capacité de "laisser partir" l'autre, d'accepter que l'autre puisse être heureux, vivant et libre, sans nous-mêmes.



J'ai aussi repensé à tous les processus de "sacrifice" que je vois dans certaines relations autour de moi et que j'ai tant de fois reproduit dans mes histoires d'amour - "je me fais mal et te le montre pour que tu vois à quel point je t'aime, que pour cet "amour", je suis prête à me nier, que cette douleur dans laquelle je me complais est à la hauteur de cet amour que je ressens pour toi" - qui ne sont au final que des attitudes égocentriques et maso de chantage affectif, et justement tout sauf une preuve de ce prétendu "amour". Car elles consistent en fait à rejeter sur l'autre quelque chose sur laquelle l'autre n'a justement pas de prise - car on n'est en aucun cas "coupable" de ne plus aimer, d'avoir envie et besoin de vivre des choses sans l'autre... Dans de tels processus, on dit donc "je t'aime et tu me tue", alors qu'en réalité, on se tue soi-même, tout-e seul-e comme un-e grand-e, parce que ça, on sait faire...! Parce que c'est toujours plus simple de se flageller, de se complaire dans la douleur d'aimer, que d'accepter de faire taire un peu son ego mal placé et d'accepter que l'autre soit autre dans toute son intégrité, sa liberté...

Je me rends compte, et ce depuis un sacré bout de temps, que pour ma part, ces attitudes maso ont à voir avec mon rapport au plaisir. Parce que quand j'aime profondément, avec mon corps, ma peau, plus encore qu'avec ma tête ou ma "raison", j'ai des tendances toxico, des tendances à la dépendance (et c'est ce contre quoi j'essaie de me "battre"). L'autre, qui procure tellement de plaisir, prend soudain les allures d'une drogue dure. Et bien que je sois intellectuellement et raisonnablement convaincue que la fusion amoureuse est destructrice, qu'elle ne peut mener qu'à l'implosion, qu'elle n'est ni possible, ni même souhaitable, qu'on ne peut pas rester ad vitam eternam dans la bulle sous peine de ne plus rien vivre d'autre, sous peine de se nier soi-même, comme de nier l'autre (un peu comme si on restait toute notre vie dans le ventre de notre mère, oui, que de confort et de plaisir, mais que de "non-vie" aussi...), malgré cela donc, j'y retourne et en redemande, pour retrouver juste un instant cette sensation d'être atomisée, de soudain, avec l'autre, décoller, vers d'autres sphères, qui elles, n'ont pas de mots pour s'exprimer. Du plaisir naît la dépendance. Comme avec les "drogues"... la boucle est bouclée.
Et dire que tout cela, je me le disais déjà il y a trois ans... la vie n'est qu'un éternel recommencement...

A partir de là, je me rends compte à quel point j'ai "mal aimé" la personne que j'ai pourtant/justement le plus aimée... A quel point j'ai été une toxico dans cette histoire, à quel point cela a finalement gâché ce que je pensais être la plus belle chose qui me soit jamais arrivée. A quel point j'ai pas voulu/pu accepter que l'autre me retire soudain le plaisir qu'il me donnait. A quel point je m'en suis flagellée. A quel point c'est difficile de "décrocher", de désintox en désintox, comment c'est dur de ne pas replonger quand il m'arrive de revoir cette personne, comment j'en arrive à me dire que la seule solution c'est de ne plus se voir, jamais. A quel point cette solution me rend triste. A quel point aussi, depuis que j'ai envie de vivre à nouveau plutôt que de continuer à couler, c'est difficile d'accepter et de vouloir des plaisirs moins immédiats, des plaisirs hésitants, de lâcher prise sur "la fulgurance" et de vouloir du "concret". A quel point, j'ai quand même envie d'y arriver.

... Ouais, "bien aimer", c'est comme le reste, ça s'apprend, au gré des histoires, des chutes et des ratés... comme le vélo, en somme, se remettre en selle après être tombé, ne pas craindre de recommencer...